La preuve que l'union peut faire la force
Last but not least ! Ne soyons pas trop triste, même si ce fut le dernier arrêt pour notre 4L, nous avons eu la chance de découvrir l’incroyable modèle collectif de Sainte-Luce.
Plongez avec nous au cœur des magnifiques montagnes de Sainte-Luce où une ferme du même nom perdure et s'étend depuis près de 25 ans à travers de multiples activités et une organisation collective hors du commun.
Si tu as 30 secondes..
La ferme de Sainte-Luce c’est d’abord une ferme pluridisciplinaire accueillant plusieurs ateliers. Allant de la fromagerie à la boulangerie en passant par l’élevage porcin, c’est une ferme en constante évolution depuis 25 ans. En effet, ce magnifique projet s’est construit au fil du temps et a élargi ses ateliers dans une optique de cohérence et de servir le territoire en présence.
La ferme est gérée quotidiennement par un collectif de 23 personnes qui travaillent main dans la main avec une organisation relativement horizontale. Un modèle qui fait travailler beaucoup de monde, qui produit beaucoup, responsablement et qui vient frapper un grand coup dans la vieille image de l’agriculture individuelle spécialisée.
En continuant à nous lire, tu exploreras l’histoire de la ferme, son panel de productions agricoles ainsi que l’esprit de cohérence et de logique qui l’ont mené à cette évolution.
Si tu as 5 minutes..
Un collectif dès le départ
La ferme de Sainte-Luce c’est l’histoire de 2 couples d’amis : Anne, Sergueï, Florence et Vincent, qui ont décidé de s'associer à 4. Epris de montagne et d’élevage de vaches, c’est dans le somptueux décor de Sainte-Luce qu’ils décidèrent en 2001 de racheter la ferme et ses 30 vaches. Et il faut le dire, s'installer en collectif ça en a des avantages ! Le fait d’être 4 a grandement facilité leur installation, en leur permettant de partager les investissements, les risques mais aussi les compétences. Si Anne était la plus calée en comptabilité et en juridiction c’est Vincent qui s’occupait le plus des relations clients etc...
Pain et fromage, un début déjà pluridisciplinaire
À 4, du temps on en a pas mal, en tout cas plus qu'à 1 ! Une des raison pour laquelle dès le début, la volonté du petit groupe était de produire pain et fromage. Deux produits à forte valeur ajoutée qui nécessitent beaucoup de travail déjà dans la production mais aussi dans la commercialisation. De bonnes activités qui occupaient tout le monde et qui valorisaient bien tout ce travail. Ils ont donc très vite construit la boulangerie et la fromagerie. Le fromage était 100 % issu du lait de leurs vaches, tandis que le pain était fabriqué à partir de céréales achetées auprès de paysans voisins. Cette diversification d’activité est un choix qui renforce aussi la résilience de la ferme : en cas d’aléas affectant l’un, l’autre permet de maintenir une source de revenu.
La cohérence, le moteur d’une large expansion
Aujourd'hui la ferme n’est plus du tout ce qu'elle était il y a 25 ans. Déjà les ateliers pain et fromage ne sont plus les mêmes. Mais à ces derniers se sont ajoutés une brasserie, une biscuiterie et un élevage de cochons ! En réalité, tous ces ateliers ne sont pas arrivés simultanément mais progressivement, suite à une logique de cohérence. Prenons un exemple. Pour produire 1 kg de fromage, il faut à peu près 10 L de lait. Ainsi, pour que vous ayez devant vous votre belle tomme de fromage, les opérateurs se séparent de 9 L de lactosérum (ou ”petit lait”) qui est pauvre en matière grasse mais riche en sucre. Il est souvent jeté ! C’était assez spontané pour la ferme de trouver un moyen d’utiliser ce co-produit et éviter le gaspillage. Ils ont donc décidé de créer un atelier d’engraissement de cochons, qui eux raffolent de ce “petit lait”. Pas bête non ? Et je vous vois venir, non ce n’est pas une logique productiviste qui anime Sainte-Luce ! Les cochons sont élevés en plein air (ils ont même des jouets) et ne sont rentables que depuis l’année dernière. Ce sont donc bien d'abord et avant tout des logiques éthiques, mais viables, qui animent la ferme.
Une ferme qui nourrit !
Si vous faites partie de nos rares réguliers lecteurs, vous avez dû vous rendre compte que bien souvent la diversité des activités était liée à de petits volumes pour chacune d’entre elles. Mais chez Sainte-Luce c’est tout l’inverse ! Pour le pain, on parle d’ 1,5 tonne par semaine. C’est deux fois plus que la production moyenne d’une boulangerie artisanale ! Rebelote pour l’atelier fromage qui produit plus de 500 kg par semaine etc.. D'impressionnants volumes qui nécessitent forcément une implication non négligeable dans la vente. La gestion d’un magasin sur la ferme, de plus de 3 marchés et des livraisons pour quelques professionnels sont assurées toutes les semaines par le collectif !
Une véritable “ferme-entreprise”
C’est rare en agriculture mais là on y est vraiment ! Ne soyons pas dupes, nos 4 associés initiaux ne sont pas capables à eux seuls d’assurer tout ce travail. Non aujourd’hui la Ferme de Sainte-Luce c’est 23 personnes à temps plein ! Plus exactement 6 associés et 17 salariés qui sont tous payés à l’heure et qui ont tous le droit à 5 semaines de congés par an. Impressionnant non ?
La ferme de Sainte-Luce, c’est donc un collectif qui perdure et prend de l’ampleur depuis presque 25 ans. Une évolution qui rend ce modèle plus que crédible et qui n’a pas à rougir d’autres exploitations agricoles.
En restant avec nous, tu découvriras comment fonctionne ce collectif et comment il est mis à profit de la ferme sans jamais mettre en péril la cohésion des travailleurs.
Franchement reste ! Non vraiment reste. Allez reste...
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Plus de 20 ans de collectif, un exemple de réussite
L’installation en collectif apparaît de plus en plus en agriculture. Ce modèle séduit particulièrement les jeunes générations attirées par l’agriculture mais souvent repoussées par certaines conditions du métier comme l’isolement. Le collectif, ça apporte énormément d’avantages mais ça implique énormément de vigilance aussi.
“Pour qu’un modèle collectif fonctionne, il faut savoir faire des concessions au quotidien”
Que ce soit pour monter un meuble ou faire un exposé, on fonctionne toutes et tous différemment. L’égo, la susceptibilité ou encore les convictions politiques, tout un tas de choses qui font qu’un collectif peut très vite tourner au vinaigre si le modèle n’est pas structuré dès le départ. De cette manière, la ferme est accompagnée depuis le début par un conseiller externe à l’entreprise, spécialisé dans les relations humaines au sein de collectifs. Ce regard extérieur est précieux pour la bonne santé de toutes et tous. Structurer le collectif et son évolution, c’est ce à quoi veille la ferme dès sa création, notamment avec l’écriture d’une raison d’être.
Une raison d’être pour voir plus loin
Raison d’être évolutive de la Ferme de Sainte-Luce :
La Ferme de Sainte-Luce est un lieu collectif de production biologique, d’exploration, d’échanges et de formation.
Le fruit de son activité paysanne et artisanale nourrit les besoins de ses travailleurs et régale ses clients.
Elle aspire au respect du vivant et invite à prendre soin des êtres humains, des animaux, des territoires et de l’environnement.
Cette raison d’être est censée refléter la vision de la ferme de Sainte-Luce. C'est selon cette raison que sont recrutés les arrivants sur la ferme avant même d'envisager leurs compétences. Si cela peut paraître anecdotique quand on est 2 sur une ferme, ces quelques phrases donnent une véritable trajectoire dans les gestes du quotidien comme dans les projets du futur. Écrire sa propre raison d’être permet de prendre du recul sur l’exploitation, sur ses missions et sur la trajectoire qu’on veut lui donner. Pour conclure, écrire une raison d’être, c’est décider collectivement le type d’agriculture que l’on désire produire et proposer aux clients pour aujourd’hui comme pour demain. Et ça fait 25 ans que ça marche !
Un système qui trouve sa force dans son collectif
Tu l’auras compris, le collectif c’est ancré dans la raison d’être de la ferme et c’est ce qui fait sa force pour tout un tas de raisons. Premièrement, travailler ensemble, c’est s’éviter de travailler seul. Bien vu Sherlock ! Le collectif, c’est se lever tous les matins et boire un café avec ses collègues, c’est traire les vaches en discutant du beau temps ou encore pétrir du pain en pensant au repas ensemble du midi. Bref ! Le collectif répond à un des freins essentiels à l’installation agricole, la solitude au travail et l’isolement. Deuxièmement, le collectif c’est aussi un moyen de se tirer vers le haut. L’union fait la force dans le travail quotidien comme dans les projets. Collectivement, on peut acheter plus facilement et on a plus d’idées. Enfin, et c’est la marque de fabrique de la ferme, la polyvalence.
“Depuis le début, on a toujours voulu que tout le monde sache faire un peu de tout”
De cette manière, un travailleur peut faire du pain le lundi matin puis du fromage le mardi et partir au marché le vendredi. Cette polyvalence est précieuse aux yeux du collectif car elle garantit un confort de travail, personne ne fait la même tâche tous les jours de la semaine. Ensuite, cette polyvalence évite de rendre des personnes irremplaçables sur un atelier ! Le jour où Elsa n’est pas là pour faire le pain, cela ne pose aucun problème car d’autres travailleurs savent aussi le faire. Cette polyvalence permet de partager le savoir-faire à tout le monde et donc d’être beaucoup plus flexible sur l’organisation du travail et sur la vision long-terme. Si tout le monde est capable de gérer n’importe quelle tâche, il existe tout de même des responsables par atelier. Pour les 6 ateliers de la ferme, il y a donc 6 responsables différents ce qui permet de répartir la charge mentale et de responsabiliser le plus grand nombre. Une nouvelle fois, la polyvalence est de mise. Responsable ou non d’un atelier, tout le monde tourne chaque jour et passe sous les “consignes” d’une autre personne. Cette polyvalence permet à tout le monde de prendre conscience des réalités de chaque tâche et d’assurer une horizontalité hiérarchique.
Vivre en collectif c’est toute une organisation !
Pour cela, la ferme utilise un logiciel du nom de Skelo. Ce logiciel permet à chaque travailleur de connaître son job de la semaine selon des créneaux différents. Toute cette organisation évite ainsi la confusion et rend le travail très efficace.
“Des problèmes, il y en a toujours, il faut les dédramatiser et savoir les régler intelligemment et collectivement”
La bonne santé du collectif, c’est le nerf de la guerre ! Pour cela, des réunions sont régulièrement organisées. Sous le nom de “réunions pour tous”, chaque mois, tout le monde se réunit pour décider des stratégies de la ferme ou bien même pour régler des conflits internes. Un gage de confort et de bien-être pour tout le monde qui permet au quotidien d’accepter les conflits et d’y répondre intelligemment pour avancer ensemble. Trop choupi.
Bref à Sainte-Luce, le collectif est un véritable dynamisme au quotidien encadré par une organisation pointilleuse. C’est le juste équilibre entre polyvalence, diversité et efficacité au travail qui fait de ce modèle, un modèle de réussite.
L'avis d'Agrovadrouille
Nous avons été fascinés devant ce modèle qui semble cocher les cases d’une agriculture d’avenir. Une agriculture qui crée de l’emploi, qui crée des ressources locales et saines et tout cela dans un confort de vie satisfaisant pour ses travailleurs.
À l’heure où les prévisions annoncent le départ à la retraite de 50% des agriculteurs d’ici 2030, redorer le visage de l’agriculture en améliorant ses conditions de travail est un enjeu essentiel. Le collectif nous apparaît comme une réponse pertinente à ce défi. De micro fermes de 1 ha à méga exploitations de 500, nous sommes convaincus que le travail en collectif est une des clés de réussite pour l’agriculture de demain.